
Organisation militaire de Genève à l’époque de l’Escalade
En 1602, la défense de la ville constitue la majeure préoccupation de ses dirigeants. L’organisation militaire, profondément remaniée en 1574, repose sur une milice bourgeoise divisée en quatre régiments correspondant aux anciens quartiers de la ville : Bourg-de-Four, Saint-Gervais, Neuve et Rive. Chaque régiment est commandé par un colonel (choisi parmi les syndics) et un lieutenant-colonel (issu du Petit Conseil), et comporte quatre compagnies. Chacune des 16 compagnies est dirigée par un capitaine du Conseil des Deux-Cents, assisté d’un lieutenant, d’un enseigne, d’un lieutenant d’enseigne, de 2 sergents et de 4 caporaux. Le nombre de soldats d’une compagnie n’est pas limité et peut approcher la centaine.
Un recensement révèle qu’en 1589, Genève compte 2’186 hommes valides en état de porter les armes, excluant les membres du Conseil et certains officiers. Cependant, cette force reste une troupe défensive, incapable de mener des campagnes prolongées hors des murs.
La milice est majoritairement composée d’infanterie, mais inclut également quelques cavaliers et des artilleurs.
En effet, il existe quelques troupes à cheval, mais ce ne sont que des formations temporaires, soit pour des escortes ou des gardes d’honneur. Pour les expéditions extérieures, on lève plutôt des cavaliers mercenaires. Les Genevois qui possèdent un cheval et vont chasser en Savoie accompagnent parfois la milice. Ce ne sera qu’à la fin du 17ème siècle qu’un véritable corps de cavalerie sera mis en place.
Quant à l’artillerie, elle s’articule autour de trois départements – un à Saint-Gervais et deux sur la rive gauche – divisés en dix batteries stratégiques. Chacune dispose de pièces constamment opérationnelles, avec munitions et armements stockés à proximité. Les chefs de batterie détiennent les clefs de leurs postes, tandis que les artilleurs, assignés temporairement depuis les compagnies bourgeoises, rejoignent leurs positions en cas d’alerte sans quitter leur régiment d’origine.

Schéma représentant l’organisation militaire de Genève à l’époque de l’Escalade.
Discipline et vie militaire
La vie des soldats genevois est encadrée par des ordonnances strictes établies en 1589 et révisées en 1603. Ces règles imposent une discipline rigoureuse :
-Les capitaines et officiers sont tenus d’organiser des prières publiques deux fois par jour ;
-Toute forme de violence, langage grossier ou comportement immoral est interdite ;
-Tout capitaine ou soldat est défendu de capturer des châteaux ou des maisons à l’extérieur de la ville sans le consentement du Conseil de guerre ;
-Les rapports sur les expéditions qui sont entreprises sont obligatoires ;
-Les soldats ne peuvent ni piller ni forcer les habitants à fournir des biens sans paiement ;
-La désertion ou la désobéissance entraîne des châtiments exemplaires.
Armement et équipement
À l’époque de l’Escalade, les piques, les hallebardes et les cuirasses côtoient les mousquets et les arquebuses, de plus en plus répandus. Les officiers et sous-officiers portent une cuirasse et un grand hausse-col. L’arsenal de la ville contient un nombre important d’armes, dont 500 piques et 500 armes à feu, ainsi que des cuirasses et des casques.
Les soldats doivent s’équiper à leurs frais, selon leurs moyens. Voici ci-dessous les différents types de soldats et leur équipement :
–Les mousquetaires tirent des balles deux fois plus lourdes que les arquebusiers ; ils perçoivent donc 25 florins mensuels au lieu de 18. Les arquebusiers sont équipés d’une poire à poudre, d’un pulvérin et d’une mèche. Ils ont aussi une épée et une dague. Ils ne portent ni casque ni cuirasse : seulement un chapeau à larges bords et un pourpoint ;
–Les cavaliers utilisent tous des épées, et non des lances, contrairement aux Savoyards. Le reste de leur équipement dépend de leur rôle : les « armés » portent une armure lourde (cuirasse, dossière, tassettes, brassards et gantelets) et un pistolet à rouet, et sont payés 40 florins par mois. Les argoulets ne portent pas d’armure et utilisent l’arquebuse. Leur équipement, moins cher, justifie leur moindre paie : 30 florins mensuels. Leurs différents rôles permettent une collaboration tactique : les « armés », spécialisés dans la charge, brisent les lignes ennemies, et les argoulets, spécialisés dans les escarmouches, harcèlent les flancs ;
-En 1594, les artilleurs avaient à disposition 3 couleuvrines (Le Soleil, L’Hôtesse et La Forrière) ainsi que des mortiers et des fauconneaux. Les prises de guerre enrichissent leur parc d’artillerie : les grandes couleuvrines de Versoix (1589), les canons du fort Sainte-Catherine offerts par Henri IV (1600) et ceux du fort des Allinges (1601).

De haut en bas et de gauche à droite : mousquet à mèche, arquebuse à mèche, pistolet à rouet, poire à poudre, demi-armure de cavalerie, couleuvrine et fauconneau.
Images tirées de la galerie du Musée d’Art et d’Histoire de Genève.
Le rôle clef des mercenaires
Lors de la guerre de 1589, les limites de la milice poussent Genève à recruter massivement. Le 2 avril 1589, trois compagnies de cavalerie mercenaire, commandées par des capitaines du Petit Conseil, partent en campagne.
Lors de l’assaut du fort de Versoix (7 novembre 1589), l’armée genevoise est composée de 500 mercenaires professionnels, 500 miliciens volontaires, et quatre compagnies de cavalerie.
En décembre 1590, la ville entretient 1’000 fantassins et 400 cavaliers mercenaires. La plupart viennent des régions voisines, mais certains sont genevois. À Bonne, plus de 300 d’entre eux « tous borgeoys, citoyens et habitants » sont massacrés par ordre du Baron d’Hermance après une reddition contestée.
Les soldats dans Genève : 1602
Dans Genève : 1602, les soldats genevois seront représentés avec fidélité en se basant sur des gravures d’époque, des descriptions d’archives et les pièces historiques qui ont subsisté jusqu’aujourd’hui. Voici quelques éléments qui seront implémentés pour enrichir leur représentation :
-Les régiments seront organisés selon les quartiers de la ville, avec une attention portée à la chaîne de commandement ;
-Les personnages disposeront d’armes et d’armures adaptées à leur rôle dans la milice ou parmi les mercenaires ;
-Les interactions entre soldats reflèteront les règles militaires en vigueur à l’époque.
À travers cette reconstitution minutieuse, Genève : 1602 offrira un regard unique sur le quotidien des défenseurs de la ville lors de cette période cruciale de son histoire.

Un soldat genevois, comme représenté dans Genève : 1602.
Concept art par Marina Silentova et modélisation 3D par Raphaël Schnegg.
Conclusion
À l’aube du 17ème siècle, les soldats genevois, qu’ils soient miliciens ou mercenaires, forment une force de défense complexe et déterminée. Leur organisation, leur discipline et leur équipement reflètent la volonté farouche de Genève de préserver son indépendance face aux menaces extérieures. Cette structure militaire s’avérera déterminante lors de l’Escalade, alors que le système fortifié de la ville possède des points faibles non-négligeables, qui seront traités dans un prochain blogpost.